Yoshua Bengio, un homme généreux et visionnaire
Le 28 mai dernier, le professeur Yoshua Bengio, fondateur et directeur scientifique de Mila – Institut québécois d’intelligence artificielle et lauréat du Prix Turing 2018, était l’invité de l’École de l’intelligence en santé du CHUM (ÉIAS). Il a livré, en toute humilité, sa vision de l’évolution et de la portée de l’IA aujourd’hui et de celle qu’elle occupera dans les prochaines années. Organisée dans le cadre de la série Grands événements de l’ÉIAS, cette entrevue était dirigée par Carole Jabet, directrice adjointe de la recherche au CHUM.
Cette rencontre a mis en lumière plusieurs sujets liés à l’intelligence artificielle selon trois axes : la place de l’intelligence artificielle, son importance pour la santé et les patients et ainsi que son rôle au sein de la recherche et ses enjeux éthiques.
Avec grande générosité, professeur Bengio a répondu aux nombreuses questions du public en direct ou via la plateforme Facebook afin d’aider à démystifier l’intelligence artificielle et à définir les horizons pour le milieu de la santé.
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De gauche à droite : Dr Fabrice Brunet, président-directeur CHUM, Carole Jabet, directrice adjointe CRCHUM, Yoshua Bengio, fondateur et directeur scientifique Mila, Nathalie Beaulieu, directrice ÉIAS, Dr Vincent Poitout, directeur CRCHUM.
Mieux comprendre l’intelligence artificielle et bâtir l’expertise
Avec en préambule, une visite des locaux du Mila, Yoshua Bengio a débuté l’échange en expliquant en moins de 180 secondes ce qu’est l’intelligence artificielle et où nous en sommes actuellement avec l’apprentissage profond ou par réseau de neurones. Montréal est devenue une plaque tournante pour le développement de l’intelligence artificielle. La création du MILA ainsi que l’implantation de plusieurs entreprises permet au Québec d’être bien positionné sur l’échiquier mondial et d’exercer un attrait pour les experts. Toutefois, ce développement doit se faire, selon lui, pour le bien social et pour l’enrichissement collectif. « Logiquement, il faut que l’on crée notre propre richesse ici avec l’intelligence artificielle pour ne pas être uniquement des consommateurs, mais aussi des développeurs, des producteurs et qu’on l’exporte. Nous pourrons en faire profiter le filet social et aider d’autres pays à se développer. », Yoshua Bengio.
Comment l’IA peut-elle s’intégrer à la santé
Quelle est la place de l’IA en santé et comment celle-ci peut-elle contribuer à court et à long -terme au mieux-être des patients ? Selon Yoshua Bengio, la vaste majorité des impacts de l’intelligence artificielle restent à venir, car le chemin à parcourir, du développement des algorithmes à l’application réelle des technologies, peut être long. « On surestime souvent la vitesse de transformation à court -terme, mais on sous-estime l’impact de ses transformations à long -terme. Ce qu’il faut éviter, c’est une inertie qui empêcherait le développement d’un projet dont les patients pourraient bénéficier. » Il rappelle qu’au niveau de la santé, une présence humaine est importante pour l’administration des soins. « On ne va pas se passer des êtres humains pour prendre soins les uns des autres. Le pouvoir du contact humain sur la guérison et le mieux-être du patient a déjà fait ses preuves. »
Comment le CHUM, en tant que centre hospitalier innovant, peut-il jouer son rôle de leader dans le système de la santé au Québec ?
Monsieur Bengio estime qu’un hôpital comme le CHUM doit prendre des risques, faire des projets pilotes, s’allier avec des partenaires mondiaux. Il faut aller assez vite pour ne pas perdre des opportunités et permettre l’innovation. « Nous devons jouer un rôle de leader moral, tracer les lignes et mettre les limites de ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. »
À savoir si le travail des professionnels de la santé sera transformé et s’ils devront devenir des spécialistes en données numériques, Yoshua Bengio répond que ceux-ci peuvent très bien être des utilisateurs experts sans être développeurs experts. L’important, c’est qu’en tant que citoyen, chacun doit connaître et tenter de comprendre l’IA, c’est notre responsabilité. Il rappelle aussi qu’il y a énormément de ressources en IA qui sont disponibles gratuitement, des logiciels, des conférences, des tutoriels et des vidéos ou par le biais d’organisation, comme l’ÉIAS.
L’IA appliquée à la recherche et l’éthique
Ayant comme mission la recherche et l’enseignement, le CHUM s’intéresse grandement au rôle de l’IA dans le développement de la recherche des sciences de la vie. De quelle manière l’IA pourrait-elle s’inscrire dans cette sphère ? Selon Yoshua Bengio, le potentiel est énorme et il faut se questionner sur la façon dont nous pourrions être plus systématiques dans l’acquisition de connaissances de la santé humaine. Par exemple, nous pourrions développer une compréhension plus fondamentale de la cellule et en créer des modèles qui soient assez généraux pour automatiser la recherche biologique avec l’IA et la robotisation. « Pensons à l’IA comme un groupe de chercheurs qui détermine son objectif, apprend des relations de causes à effet et de ses erreurs afin d’en tirer des conclusions ».
Finalement, Yoshua Bengio se dit aussi préoccupé par les considérations éthiques entourant l’IA : la mauvaise utilisation de ces technologies qui deviennent de plus en plus puissantes, des enjeux entourant la concentration du pouvoir et la discrimination. Toutefois, selon lui, il en va d’un devoir collectif de définir ce que nous croyons bien ou mal en tant que société.
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